jeudi 17 mars 2011

Ma nouvelle mission

Cela fait maintenant presque trois mois que je vis dans ma nouvelle communauté, et certains d'entre vous se demandent ce que j'y fais. Je vais essayer de vous décrire cela le plus brièvement possible.

Une demande de mes supérieurs

En février de l'année passée, le Conseil Général des Missionnaires d'Afrique (Pères Blancs) m'a demandé d'accepter de compléter l'équipe d'animation de notre centre de théologie de Merrivale à une vingtaine de kilomètres de Pietermaritzburg, dans le KwaZulu Natal. L'équivalent de Totteridge à Londres où j'ai naguère étudié la Théologie. Ce centre est maintenant fermé. Les étudiants de théologie ont déjà fait trois ans de philosophie, une année de spiritualité, deux ans de stage et complètent maintenant leur formation théologique sur quatre ans. Dix ans au total ! Ils étudient à l'Institut de théologie de Cédara, à cinq kilomètres de notre résidence actuelle. Les étudiants ont tous entre 25 et 35 ans. Les centres de formation théologique des Missionnaires d'Afrique se trouvent à Abidjan - Côte d'Ivoire (hélas évacué pour le moment pour raison de guerre civile), à Nairobi - Kénya, à Jérusalem – Israel et à Kinshasa - Congo. Le dernier-né de ces centres est le nôtre en Afrique du Sud. Sur les dix étudiants actuels, huit sont africains (mais aucun sud-africain) et deux sont indiens. Les six premiers seront ordonnés prêtres – si tout va bien – fin 2012. D'ici deux ans, nous prévoyons une augmentation significative du nombre d'étudiants à Merrivale, probablement environ vingt-cinq.

Formation et travail pastoral

Pour le moment, nous louons les facilités d'un autre ordre missionnaire, en attendant de rentrer dans le centre que nous commencerons à construire cette année, dès que nous aurons obtenu le permis de l'urbanisme. Je suis l'économe de la maison, ce qui requiert un œil attentif aux dépenses et à l'entretien des bâtiments. La minutie requise pour ce genre de travail n'est pas ma qualité première, mais j'ai essayé de m'organiser afin d'être aussi efficace que possible. Je vis avec une équipe d'étudiants, ce qui veut dire que je dois participer à un certain nombre d'activités d'équipe - nettoyage, réunions, récollections, etc.
En outre, les Missionnaires d'Afrique m'ont demandé d'ouvrir une paroisse pour « asseoir » quelque peu notre présence dans l'Archidiocèse de Durban, ainsi que pour disposer d'un lieu de travail pastoral pour nos étudiants, qui sont supposés y consacrer l'équivalent d'un après-midi par semaine. L'évêque du lieu nous a confié trois anciennes succursales, relativement négligées jusqu'à présent, mais qui méritent une attention particulière en vue d'un éventuel développement paroissial.

Lidgetton... retour à la campagne!

La communauté de Lidgetton, à une vingtaine de kilomètres de chez nous, dispose d'une église convenable. La première fois que j'y suis allé, il y avait environ 40 femmes d'un âge certain, deux hommes et une poignée d'enfants. Un mercredi des cendres et deux semaines plus tard, l'église est presque pleine avec une bonne dizaine d'hommes en plus, une bonne vingtaine de jeunes de 20 à 30 ans, et un nombre pratiquement incalculable d'enfants. C'est une communauté qui en veut ! Mon gros problème, c'est le zoulou... rien que le zoulou ! La préparation de l'homélie du dimanche me prend toute une journée (composition, correction avec un - en fait une - zoulou et la répétition de la diction !) Mais c'est très drôle !

KwaChief, mais où donc est Dieu?

La communauté de KwaChief est beaucoup plus problématique. Composée de noirs, de « coloured » (métisses) et d'Indiens, il n'y a pas vraiment d'unité. Et comme la communauté a été délaissée pendant plusieurs années, les gens qui ont quelques moyens pour se payer le « taxi » (transport en commun par minibus) ont pris l'habitude d'aller à la paroisse de Howick, à environ 5 kilomètres. En plus, il n'y a pas d'église. Nous célébrons la messe dans une salle de classe d'une école à la limite du salubre, salle qui est déjà beaucoup trop petite. Et pourtant, les besoins sont énormes. Besoins spirituels d'abord, car ceux qui n'ont pas de travail (la majorité et de nombreux jeunes et jeunes adultes) perdent l'espoir et se rabattent sur la consommation déraisonnable d'alcool (que l'on peut trouver à bas prix si l'on ne regarde pas trop la qualité) et dans les drogues. Après l 'école, les jeunes errent dans les rues jusqu'à la tombée de la nuit. Apparemment, le nombre de cas de sida est très élevé. Les gens ont besoin de retrouver confiance en eux-mêmes, ils ont besoin d'une vision concrète de salut. Si seulement, je pouvais trouver un terrain où construire une paroisse, avec un centre de formation professionnelle, une école des devoirs, un centre pour les gens touchés par le sida et pour la formation des volontaires qui s'en occupent... Un rêve qui devra devenir réalité... sous peine de condamner les gens à vivre comme des loques humaines ! Le gouvernement fait beaucoup socialement, mais il ne peut pas être partout à la fois. Et puis, l'Évangile n'aurait que peu de crédibilité s'il ne proclamait que la vision d'un monde futur. Le Christ en qui je crois me demande, m'implore, me pousse, m'oblige à agir ici et maintenant !

Shyaz... en route vers des pâturages plus verts!

La troisième communauté est composée d'immigrants venant du Lesotho. C'est une communauté de jeunes adultes à la recherche d'une meilleure vie. Mais, en attendant de la trouver, ils vivent dans un bidonville indescriptible à l'arrière de la « Chute d'eau » de Howick, qui, ironiquement, attire beaucoup de touristes. La communauté est très catholique, très dynamique, mais l'anglais est inexistant et le zoulu très approximatif. En plus, étant une communauté de migrants, ceux qui ont la chance de trouver du travail disparaissent presque immédiatement vers de meilleurs quartiers. Comme il s'agit d'une communauté plutôt jeune, il y a très peu d'enfants, sauf de très jeunes enfants. Erus, un des deux indiens, a fait son stage de deux ans à Orange Farm où il a appris le Sotho. Il aide beaucoup à l'animation pastorale de cette communauté. Je crois comprendre que le gouvernement est en train de construire un nouveau « township » en vue de déplacer ces gens, mais il reste encore à voir s'ils seront d'accord de bouger, car, alors, il devront se payer le taxi pour aller en ville, alors que maintenant ils sont à 20 minutes à pieds du centre ville.

Expérience d'une bonne communauté

Ce travail pastoral dont j'ai la responsabilité est essentiellement un travail de première évangélisation. Il me prendra beaucoup plus de temps et d'énergie que ce que je n'avais imaginé. Au moins, ma communauté de Merrivale me donne un certain support moral. Surtout mes deux confrères de l'équipe d'animation. Raphaël, le recteur de la maison de formation, vient du Congo et est très intéressé à me soutenir dans le travail paroissial. Quinbert, de Tanzanie, enseigne la Bible à l'Institut de théologie; son temps est limité par ses préparations de cours. Mais il est aussi très enthousiaste à aider, surtout les dimanches. Ce sont deux confrères délicieux avec qui je partage ma vie.

Et Thembalabasha?

Vous vous demandez sans doute ce qu'est devenu Thembalabasha. Avec le meurtre de Père Louis en décembre 2009, le projet Cordis s'est très vite trouvé en grosses difficultés. Or Thembalabasha se trouvait sur leur terrain. L'année passée, les services communs (surtout l'eau et l'électricité) ont beaucoup augmenté et Cordis a connu d'énormes difficultés pour payer leur part. Cela devenait de plus en plus difficile pour Thembalabasha de supporter la totalité des frais. En plus, nous avons été attaqués trois fois sur l 'année par des bandits qui ont successivement tout volé. La police a chaque fois été appelée mais sans aucun résultat in fine. Une des attaques a particulièrement été violente envers nos jeunes. Tout cela et la demande de Rome m'ont convaincu à mettre un terme à Thembalabasha sous la formule ancienne. Nous continuons à payer les frais scolaires et les frais de transport des jeunes du centre qui étaient encore en âge d'école. Le plan est qu'ils aillent chez notre éducatrice « Auntie » après l'école pour faire leurs devoirs et qu'ils retournent chez eux en fin d'après-midi. Un container a été transféré et aménagé à cette effet à l'arrière de la maison d'Auntie. Toutefois, trois des jeunes logent maintenant chez Auntie car ils ne trouvent aucun support chez eux. Le centre de jour a été intégré à un autre projet de la paroisse d'Orange Farm qui s'occupe essentiellement des jeunes particulièrement vulnérables. En fait, le même projet que Thembalabasha, en plus structuré... théoriquement.

Et maintenant quelques potins...

Du côté des potins, j'ai dû aller voir un chirugien récemment car ma hanche gauche et mes deux genoux me faisaient horriblement souffrir. Il m'a examiné, radiographies en main, et m'a conseillé l'opération de la hanche gauche (puis probablement la hanche droite). Il m'a aussi conseillé de perdre du poids en vue d'une opération. Mais il a ajouté que tant que je pouvais tenir le coup, l'opération pouvait être retardée. J'ai pris mon courage à deux mains ;o) et, avec le support de Raphaël, je me suis mis à un régime relativement strict, mais pas impossible. En un mois et demi, j'ai perdu 13 kilos et j'ai récupéré plus ou moins la mobilité d'il y a deux ans! Je vais essayer de continuer aussi longtemps que possible.

Mon environnement a changé du tout au tout. Autant Johannesbourg était un haut plateau relativement aride et embêtant, autant le KwaZulu Natal est une province très agréable, pour la météo et le paysage. En plus, là où je vis, il y a beaucoup moins de crime qu'à Johannesbourg. J'y gagne sur tous les plans!

Voilà, si vous avez eu le courage de me lire jusqu'à la fin, je vous en remercie. Je vous souhaite un temps de carême très fécond. Que vous puissiez découvrir un peu plus le sens de votre vie sur cette planète. Je vous envoie beaucoup d'amitié.