jeudi 14 mars 2013

Changements

Bien chers amis, 

Il y a beaucoup de changement dans l'air... et je ne suis guère une exception. Le centre de formation des Missionnaires d'Afrique est finalement terminé. J'y réside, mais plus comme formateur. Je suis curé d'une grosse paroisse au sud-ouest de Pietermaritzburg, dans les montagnes.


View Henley Parish in a larger map

Les cinq larmes de couleur sur la carte montrent les emplacements des cinq églises qui forment la paroisse. Au nord, si vous faites glisser la carte, vous verrez l'endroit de la nouvelle résidence des étudiants de théologie, à Merrivale. J'y vis pour l'instant dans une maison qui existait avant que l'on ne construise, en attendant d'abord mes deux confrères et surtout en attendant que l'on construise un nouveau presbytère à la paroisse, à 35 kms de là. 

Il y a deux ans... 

J'étais alors curé de la paroisse indienne de Lenasia au sud ouest de Johannesburg. La Société des Missionnaires d'Afrique m'avait demandé d'accepter de rejoindre la maison de formation de Merrivale car ils manquaient d'un formateur. C'est ainsi que je me suis retrouvé à 500kms de Johannesburg comme économe du centre de formation de théologie des Missionnaires d'Afrique. Pendant ce temps, je me suis occupé, entre autres choses, de trois petites communautés chrétiennes. Le centre Thembalasha des jeunes de la rue, après avoir souffert de multiples cambriolages, dont le dernier avec une violence incroyable, fut fermé et les jeunes du projet furent pris en charge par Auntie, fidèle collaboratrice, qui les accueillit dans sa propre maison. Quelques nouvelles de Thembalabasha un peu plus bas. 
À Pâques l'année passée, les Missionnaires d'Afrique se sont retirés de la paroisse d'Orange Farm qui a été reprise par le diocèse. Les Missionnaires d'Afrique voulaient une paroisse dans le KwaZulu Natal, où nos étudiants pourraient faire un peu de travail pastoral. C'est ainsi que nous avons entamé les négociations avec l'évêque qui nous a offert la paroisse de Henley. La paroisse de Henley fut créée en 1958 pour une population semi rurale exclusivement zouloue. Mais dans les années 1980, à l'approche de la fin de l'apartheid, des conflits sanglants ont éclaté dans la région entre deux partis politiques africains. Le curé, les soeurs, ainsi que la plupart des habitants sont partis. Après l'indépendance, les gens sont revenus, mais n'ont jamais eu de prêtre résidant depuis, même si la messe était assurée, de temps en temps, par les prêtres voisins. Cela fait des années qu'ils réclamaient un curé. J'espère qu'ils s'accomoderont d'un curé blanc et de son zoulou approximatif. 

Paysage typique dans ma nouvelle paroisse

Cinq communautés 

Comme vous le voyez sur la carte, la paroisse comporte cinq églises. Trois d'entre elles sont pleines le dimanche, c'est à dire environ 200 à 250 personnes chacune. Les deux autres sont à moitié pleines. Malgré qu'ils n'avaient pas de prêtre, les gens ont bien gardé leur conscience communautaire. Ils sont relativement bien organisés. Mais la tendance est à la routine. L'Evangile a besoin d'être prêché, les défis ont besoin d'être exposés. Le plus important, comme sans doute partout ailleurs, est la famille, ou plutôt le manque de famille. Les pères sont la plupart du temps absents et les mères n'ont guère le temps (ni l'intérêt ??) de s'occuper de leurs enfants. La plupart des enfants sont élevés par leur grand-mère, trop souvent à bout de souffle déjà. Les garçons manquent de repères sérieux et solides, les filles manquent d'un père qui les reconnaisse, les aime et les accepte. Je suis convaincu que la violence extraordinaire en Afrique du Sud provient en grosse partie de ce dysfonctionnement.

Un des pilliers de l'Eglise, Mrs Shabalala avec le Frère René, mon futur confrère, de passage...

Le Presbytère

Le presbytère fut construit en 1958, et abandonné dans les années 1980. Il ne peut plus servir d'habitation, mais les paroissiens continuent à l'utiliser pour le catéchisme et les réunions... Il faudra le rénover un tant soit peu, car le bâtiment n'a plus un seul carreau, une partie du toit a cédé sous le poids d'un arbre frappé par la foudre, le mobilier a évidemment complètement disparu, etc. 

Le presbytère, datant de 1858, sert aujourd'hui au caté et aux réunions
Nous construirons un nouveau presbytère où nous habiterons. Les Missionnaires d'Afrique ont accordé la moitié du budget nécessaire à la construction. Nous chercherons l'autre moitié, sans doute en partie au diocèse même. 

Thembalabasha

A Lenasia, Auntie continue à s'occuper de nos jeunes de Thembalabasha. Elle vient même d'en accepter un de plus. Il s'agit du frère de Lindo, un des vétérans de Thembalabasha. 

Auntie - maman et éducatrice

Pour rappel, Lindo est né de l'union d'une sud-africaine avec un Swathi (un jeune homme du Swaziland). Les deux étant très jeunes, ils sesont enfuis ensemble vers le Swaziland, où le père de Lindo a abandonné sa compagne après la naissance du petit. La mère est alors revenue en Afrique du Sud avec son fils. Elle a eu un deuxième enfant avec un homme de passage. Lorsque Lindo avait environ dix ans, un soir, sa mère est sortie de la maison pour aller acheter une bière pour un autre homme de passage. Malheureusement elle a été tuée dans un tir croisé entre deux bandes rivales. Et ce, sous les yeux de Lindo. Son petit frère - Mpho - a été recueilli par une femme âgée des environs qui a eu pitié de lui, tandis que Lindo est resté pendant un court moment avec un vieil homme familier de la famille, ancien brigand de son état. Assez vite, il s'est retrouvé à la rue où nous l'avons recueilli il y a de cela environ 7 ans. N'ayant qu'un certificat de naissance du Swaziland, Auntie s'est démenée pour lui faire obtenir un certificat de naissance sud-africain ainsi qu'une carte d'identité. Au cours des démarches, Lindo a retracé, il y a deux ans, son frère (ou plutôt demi-frère, je suppose). Fin de l'année passée, la grand-mère qui avait recueilli son frère a été acceptée dans une maison de repos où elle ne peut pas loger le garçon de 14 ans. C'est ainsi qu'Auntie m'a contacté pour négocier son acceptation chez elle. 

Les deux frères: Lindo à gauche - 19 ans et Mpho à droite - 14 ans

Auntie a donc chez elle en permanence Lindo, Mpho, Bafana Davies et l'autre Bafana, frère de Big Boy, un ancien de Themabalabasha. En plus, elle a deux de ses fils qui étudient tous les deux à l'université, et sn petit-fils qui est en troisième année primaire. Cette femme a un courage incroyable. C'est grâce à la générosité des amis de Waterloo ainsi que grâce à un don régulier d'un homme qui n'est plus mais qui a laissé des instructions à son neveu que je peux continuer à soutenir Auntie, les garçons, ainsi que Anele Gobodwana qui étudie à l'université et que je soutien occasionnellement. Actuellement, j'essaie de donner à Auntie environ R5000 tous les mois pour l'entretien des garçons et son "salaire", mais je sais qu'elle ne peut rien épargner. En plus, à la demande, je paie pour les vêtements, les frais scolaires, les voyages scolaires, etc.

Merci à tous et à toutes de m'aider à continuer à les soutenir.

Une Afrique du Sud de triste réputation

Inutile de m'attarder à commenter sur les événements récents d'Afrique du Sud qui ont été relayés par tous les médias du monde. Juste pour sourire, mon confrère Mathieu (belge limbourgeois) a eu le choc de sa vie lorsqu'une voiture de police est entrée de force dans la propriété de sa paroisse, dans un township près de Lénasia.


La voiture officielle en excès de vitesse voulait dépasser une voiture dont le conducteur... ivre... choisit au même moment de tourner à droite. Et comme on roule à gauche en Afrique du Sud...

Habemus Papam...

C'est avec beaucoup d'émotions que j'ai suivi l'apparition à la télévision du premier pape "du sud". J'apprécie particulièrement sa simplicité et sa proximité avec les plus pauvres. Le choix de son nom est très significatif. Je suis persuadé qu'il va faire une énorme différence dans l'église.

Amitiés sincères.