vendredi 9 juillet 2010

Expérience inoubliable...


Alors que vous vous prépariez à regarder le match Hollande-Uruguay mardi dernier, un scénario peu agréable se déroulait à "phase 1", le centre d'hébergement de TYC. Ils étaient trois ce soir-là - deux jeunes et l'éducateur de nuit - à attendre le quatrième qui travaille jusque vers 8h du soir dans un take-away de Lenasia South. C'est pourquoi ils n'avaient pas mis le cadenas sur le portail d'entrée du centre et qu'ils avaient laissé la grille de sécurité de la porte d'entrée ouverte. Peu de temps avant le coup d'envoi du match, ils entendent la porte d'entrée mais ne reconnaissent pas le pas de Patrick. Et pour cause! Ils se retrouvent face à trois hommes jeunes, armés d'un revolver, qui leur ordonnent de se coucher par terre, figure contre le sol. Ils n'ont d'autre choix que de s'exécuter et bientôt, ils sont ligotés, pieds et mains, au moyen de lacets et de câbles électriques, et recouverts de taies d'oreiller pour qu'ils ne puissent pas reconnaître leurs agresseurs.

Entretemps, Patrick arrive et, surpris par les trois visiteurs, subit le même sort que les autres. Ils seront fouillés, dépouillés de l'argent qu'ils pouvaient avoir sur eux. L'éducateur venait d'être payé pour deux semaines de travail (environ 100 euros) et surtout il avait les clés du centre auxquelles les agresseurs s'intéressaient tout particulièrement. Ils étaient persuadés qu'il existait un coffre-fort, dans le bureau, et donc ils voulaient les clés du bureau... que l'éducateur Ronald n'avait pas. Ils y rentreront quand même en cassant une fenêtre et sa grille de sécurité. Une voiture les attendaient dehors. Ils ont pris tout ce qu'ils pouvaient: TV, décodeur, stéréo, équipement électroménager, le GSM de Ronald, vêtements, outils, toutes les réserves de nourriture, des boîtes entières de bonbons et chocolats que je vends aux jeunes contre l'argent de poche qu'ils reçoivent virtuellement...

Lorsque la voiture fut remplie, ils ont quitté mais pour revenir une demi-heure plus tard, sans doute pour prendre le reste, ordinateurs, frigos, etc. Mais entretemps les jeunes s'étaient libérés de leurs liens et se sont presque retrouvés nez à nez avec les bandits qui revenaient chercher le reste. Mais ceux-ci se sont enfuis à la vue de leurs victimes en liberté. Cependant, Ronald a eu l'idée bizarre de fermer la grille de sécurité de la maison en voyant les bandits (elle se ferme sans clé) et voilà nos quatre jeunes à l'extérieur, dans la nuit glaciale, sans clé pour rentrer dans la maison ni GSM pour appeler les secours. Ils finiront par faire le mur du projet d'à côté pour demander de l'aide au concierge.

Et c'est donc vers une heure du matin que je reçois un appel de l'éducatrice "Auntie" pour m'annoncer la mauvaise nouvelle. Je venais juste de me mettre au lit et me voilà reparti en compagnie du fidèle Julias, le concierge de la paroisse. Prenant Auntie au passage, nous sommes arrivés au centre où les policiers, arrivés dans six voitures différentes, s'affairaient (pas trop quand même) à prendre les dépositions et à relever les empreintes digitales. Un feu de bois avait été allumé près des douches et c'est là qu'Auntie a eu le choc de sa vie. Nous n'avions pas encore vu Thabang, 14 ans, or près du feu se trouvait un corps complètement recouvert d'une couverture. Elle a tout de suite imaginé le pire... mais Thabang dormait... Ouf! Beaucoup de coups de pieds et de crosses de révolver, beaucoup de brimades, mais pas de victime, grâce à Dieu! Thabang nous le dira, lui qui est le moins "religieux" du groupe, alors qu'il gisait par terre, pieds et mains liés, il... priait de tout son cœur pour que "le" drame ne se produise pas. Bilan des pertes: deux mille euros, au bas mot.

A quatre heures du matin, je repars avec Auntie et Julias, ainsi que les deux plus jeunes qui dormiront à la paroisse. A 8h du matin, j'avais un rendez-vous que je ne pouvais pas remettre. Je n'ai donc pu dormir que deux heures. A mon retour, j'ai réveillé mes deux gars, préparé le petit déjeuné et nous voilà repartis pour réparer les dégâts, changer les serrures, redresser et ressouder les barres de sécurité forcées, faire le ménage, etc. Donovan, le fils de mon fidèle ami indien Brian, nous accompagne avec son groupe de soudure et surtout ses talents indéniables de DIY. Les jeunes mettent la main à la pâte, l'ambiance est bonne, on raconte l'événement de la veille, les détails sortent et, bientôt on a une idée plus ou moins claire de qui a fait le coup. La police ne nous aidera sans doute pas beaucoup, mais d'ores et déjà, on sait que les agresseurs sont liés à Bigboy, un ancien du centre, dont le petit frère est un de nos pensionnaires ordinaires. Heureusement, les plus jeunes étaient "en vacances" à la maison. Ils reviennent ce lundi, pour reprendre l'école mercredi.

L'Afrique du Sud a très bien géré la coupe du monde, mais pour le commun des mortels, la vie reste très précaire. Que va-t-il se passer après le 11 juillet?

Amitiés.

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